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L'article zappe la question principale: en cas de bénéfice (ce qui est visé), qui reçoit les dividendes ? Juste les fondateurs ? Tout le monde ? Sur la base du montant cotisé, ou sur la base du travail effectué ?
Vu de loin, ça ressemble à un concept déjà existant : l'apport en industrie. Plutot qu'apporter de l'argent au capital social d'une entreprise, une personne peut apporter son expertise et reçoit des actions/parts sociales en contrepartie.
L'article n'a pas mis les liens, mais la plupart des supermarchés associatifs se constituent en SCOP ou en SCIC qui ont un fonctionnement bien normalisé: s'il y a des bénéfices, il vont en majeure partie dans l'entreprise. Les dividendes sont divisés entre les actionnaires, qui sont .... les employé.es, les fournisseurs, les usager.es, etc
Je doute que ce soit des scop, car une scop est réservée aux salariés. SCIC, plutôt.
Mais ça sent quand même le détournement de l'ESS. Fonctionner sur la base du bénévolat sans le récompenser, c'est un peu osé. Qu'une personne y bosse 1h/semaine ou 35h/semaine, ce sera la même pour elle au final. Les éventuels dividendes seront distribués sur la base du nombre d'actions detenues, pas du travail effectivement fourni.
La question n'est pas la récompense du travail bénévole, c'est son exploitation. Tu supposes une distribution de dividendes selon des parts d'action. C'est pas le cas dans les deux projets que je connais un peu. Les profits vont intégralement à la mission de l'assoce (dans mon cas c'est des assoces) et sont réinvestis, soit pour faire baisser les prix, soit pour payer des travaux.
Il y a un vrai débat à avoir sur le modèle du bénévolat, que des idéalistes comme moi aimeraient voir comme le futur du "travail" mais qui risque de fragiliser le modèle social qu'on a, qui lui part du principe que tout travail est exploiteur, hiérarchisé et tente de compenser cette brutalité.
J'aimerais bien que ces deux philosophies (compenser la brutalité du travail salarié et s'en affranchir) ne se considèrent pas comme ennemies mais arrivent à articuler des propositions qui ne se fragilisent pas mutuellement.
@morras
C'est pas du détournement de l'ESS, c'est que l'ESS est ... l'ESS quoi. Si un Etat capitaliste te dit qu'il va créer une catégorie d'entreprises qui font du social, t'inquiètes que c'est pas avec ces outils qu'on fera la révolution. Il s'agit quand même de résoudre des problèmes *sociaux* et de *solidarité* par ... l'économie. Ce qui est exactement la raison pour laquelle on a ces problèmes à la base.
Franchement, c'est assez contre-productif d'être cynique de ces choses là. Dans l'ESS je vois surtout des gens qui veulent réellement résoudre des problèmes. Les capitalistes startupers se foutent de leur gueule, ils n'en sont pas à la cooptation.
Tu parles de révolution, c'est bien, mais le but de la révolution c'est une société différente. Une fois cassée celle qu'on a, y a un autre truc à reconstruire et l'ESS est un espace d'expérimentation pour ce genre de choses.
L'«économie» c'est la somme des interactions humaines. À moins qu'on vive tous dans des bulles autonomes dans l'espace sans aide de personne d'autre, on aura une économie. Elle sera peut être basée sur le don et le bénévolat, qui sont des choses qui existent dans notre économie, qui sont légales, et qu'on est libres d'expérimenter aujourd'hui. Les contraintes existent, oui. Les oppositions existent, oui. Mais je doute qu'on ait plus de libertés d'expérimenter au milieu d'une guerre civile que dans le cadre présent.
@keepthepace
Je suis volontairement cynique pour (me) rappeler que l'ESS est un excellent moyen, mais pas une fin en soi, contrairement à ce qui transparaît bien souvent dans beaucoup de discours: "c'est de l'ESS, c'est propre". Un peu comme le recyclage: pour les générations les plus anciennes, dire " je recycle" est suffisant pour se dédouaner de faire plus. Heureusement on a évolué et le recyclage est juste le minimum alors même qu'on en connait les limites.
Pardon si j'ai été négatif, tu as raison: utilisons les moyens que nous avons, tous autant qu'ils sont, pour défaire le capitalisme et créer notre société de rêve ! Une SCOP ou une SCIC doit devenir la norme pour les sociétés, à partir desquelles on pourra aller plus loin
@keepthepace
Sur l'économie je ne suis pas tout à fait d'accord, c'est pas juste la somme des échanges sous la forme qu'ils ont, c'est aussi les règles que l'on se met pour gouverner ces échanges. À l'intérieur d'une famille aussi il y a toute une masse d'échanges, sans argent ou presque jusqu'à l'indépendance des enfants, mais on ne parle pas vraiment d'économie.
Oui l'économie ça regroupe aussi ces règles.
Et quand même si, on parle d'économie! L'héritage c'est une composante importante de l'économie! On parle également de capital social et culturel. On a tendance à ne voir que les échanges monétaires parce qu'ils sont plus faciles à mesurer de façon objective, mais l'économie c'est bien plus!
@keepthepace
Ah oui, tu as raison. Moi je parlais surtout des échanges de service, d'entraide, de soutien, de dons, etc... Qui ne sont pas de l'économie
Les anars (et certains socialistes) parlent de l'économie du don. Certains économistes aimeraient intégrer le travail non rémunéré dans le PIB. Pourquoi est ce que quand une personne en paye une autre pour faire du soutien scolaire "ça compte" dans l'économie mais que quand c'est grand-mère qui s'en charge, "ça ne compte pas"?
Une des assoces de Lyon que je ne suis pas allé voir souvent mais que j'ai beaucoup aimé chaque fois que j'y suis passé parlait de mesurer et valoriser le temps bénévole à différentes fins. Par exemple dans certaines subventions, l'état peut te payer 50% de tes "frais" le reste étant à ta charge mais ne pouvant pas être composé de "don de temps de travail" par des bénévoles faute de moyens de comptabiliser ça. Je dois avouer que c'est pas ma guerre ni ma trajectoire de me lancer dans ce genre de choses, mais je suis heureux que certain.e.s l'explorent et voient ce qu'on peut faire.
Ya plusieurs choses en jeu: d'un côté, oui, l'économie telle qu'elle est étudiée et décidée aujourd'hui ne prend en compte que les échanges marchands et il manque une énorme quantité de relations qui ne sont pas marchandes mais qui fournissent tout autant. C'est un problème dans la manière dont l'économie est comptabilisée aujourd'hui si on veut faire rentrer tout ce qui est "différent". Les externalités négatives non plus, par exemple, ne sont pas prises en compte. On va pas faire semblant, on sait très bien pourquoi ce n'est pas pris en compte: il n'y a pas assez d'argent à se faire dessus.
Mais ce qui m'embête c'est justement d'avoir ce prisme économique comme grille de lecture principale: pour qu'elle marche tout doit être quantifiable pour avoir une valeur d'échange, et comment tu quantifies passer 5 min tous les jours avec la voisine pour qu'elle ait un peu de compagnie ? (Bon ça la Poste fait payer maintenant) Comment comptabiliser laisser une haie pour que les oiseaux continuent de nicher et alimentent la terre en produits naturels ?
Et la vraie question est: pourquoi comptabiliser en cherchant absolument une valeur d'échange ? Est-ce que ça rend la société vraiment meilleure ? Je ne pense pas, et je ne pense donc pas que tout faire rentrer dans le prisme de l'économie à tout prix soit une bonne chose. Il faut plutôt se tourner vers la valeur d'usage, et la gouvernance partagée. Il y aura toujours des échanges, des dons, des services rendus, mais les comptabiliser dans une optique marchande est pour moi une erreur.
@france
En fait je pense qu'on est probablement d'accord sur la plupart des points et qu'on est juste en train de débattre de sémantique.
Pour moi l'économie c'est une science, et elle étudie les échanges entre humains. Elle est aujourd'hui très biaisée envers les échanges marchands car ils sont plus faciles à objectifier, mais c'est juste une composante de la discipline. Il ne faut pas nécessairement se focaliser sur l'économie et sur des indicateurs imparfaits (l'inventeur du PIB lui même disait que c'était vraiment pas un indicateur à essayer de maximiser) mais il ne faut pas non plus reprocher aux économistes d'essayer de faire leur boulot, ni reprocher à la société de s'intéresser à leur travail.
La théorie de la valeur est un débat quasi philosophique de la discipline, et savoir ce qu'on cherche à maximiser dans notre société est le débat politique fondamental, même s'il prend souvent d'autres formes.
In fine on est d'accord. Je ne reproche pas tant aux économistes de faire leur travail (encore que, on leur reproche de ne pas passer intégrer des choses qui justement ne sont pas encore dedans mais y ont toute leur place), je reproche à la politique de la tenir comme parfaite et comme guide suprême
@morras
Par contre pour le coup je suis pas pour la valorisation par quantité de travail, faire ça c'est rester dans la logique d'une valeur d'échange qui est délétère. Ce qu'on veut c'est que tout le monde ait suffisamment de quoi manger, même si Pierre a plus que Paul.
"Rémunérer" à la hauteur des investissements en temps, c'est encore et toujours favoriser les personnes qui ont du temps, de l'énergie, qui sont valides, qui savent faire, etc...