Un soir, il y a onze ans, Loïc Noël, un Liégeois, reçoit un message anonyme sur son portable qui lui dit en substance "je vais te tuer et te mener la vie dure". À partir de là, sa vie chavire. Un récit signé Pierre Bafoil.
Un soir, alors que Loïc rentre chez lui, il reçoit des messages extrêmement menaçants. "J'étais installé sur le canapé, et je m'apprêtais à regarder une de mes séries préférées. J'ai reçu d'abord un premier message, mais je n'ai pas regardé mon téléphone. Et puis, lorsque j'ai regardé le message, je me suis aperçu que c'était un message de menace qui m'était adressé. Le message disait : 'Je vais te tuer. Je vais te buter Loïc. Je vais avoir ta peau.' J'étais assez interloqué par la teneur du message. Puis, au fur et à mesure, je reçois d'autres messages, et j'ai commencé à paniquer et à me rendre compte que les messages étaient vraiment dirigés contre moi."
Une existence bouleversée
Loïc se rend compte que son numéro a été associé à des annonces de prostitutions et de ventes de véhicules ou de maisons. À la suite de ces événements, il décide de porter plainte, et la police s'inquiète du nombre de messages reçus. Plus tard, Loïc se fait hacker ses réseaux sociaux en plus de son portable. "Progressivement, on a pris possession de mes mots de passe et la personne qui était derrière tout ça a envoyé elle-même des messages de menaces via mon compte à des proches. Il ne s'agissait pas de messages envoyés au hasard, mais bien à des personnes spécifiques. Par exemple, il y avait une personne proche de moi, aux tendances suicidaires : le hacker a justement joué sur la corde sensible et a envoyé des messages qui disaient : 'Va te jeter d'un pont. Je sais que tu vas le faire.'".
Le mystérieux hacker va même jusqu'à s'en prendre à Loïc au sein de l'université. "À la sortie de la voiture, ma mère récupère le courrier, et parmi les lettres, il y en a une qui provient de la fac. On l'ouvre et on se rend compte qu'il s'agit d'une lettre d'exclusion. Il est écrit que je suis exclu de l'université parce que des professeurs ont reçu des messages d'insultes de ma part. À cet instant, c'est le monde qui s'écroule, et je panique totalement, parce que mes études ont toujours été ma priorité."
Lors du réveillon de l'année 2012, le hacker de Loïc s'en prend au corps de sa victime. "Mon compte Facebook a été hacké à minuit pile, et le hacker a diffusé une photo de moi nu. J'ai rapidement découvert que cette photo circulait, parce que des gens m'ont averti. Au début, j'imaginais que c'était un montage. Mais lorsque j'ai vu la photo, je me suis rendu compte que c'était une photo réelle. Le hacker avait utilisé le capteur de mon téléphone portable pour prendre à mon insu mon image à la sortie du bain. (…) Non seulement ma vie a été jetée aux yeux de tout le monde via des messages, des menaces, une divulgation d'informations, mais là, c'était carrément mon corps et donc la dernière étape de la mise à nu totale que la personne pouvait me faire subir."
"Une voix robotisée indiquait que j'allais poser une bombe à l'aéroport d'Athènes"
"Vu l'ampleur des menaces que l'on recevait, mon dossier a été transmis à la communauté de Liège, spécialisée dans tout ce qui est hacking et cyberharcèlement. Au fur et à mesure de la rencontre, je m'aperçois que la police n'a pas d'éléments pouvant incriminer une personne, mais plutôt des éléments qui auraient tendance à montrer que je suis derrière tout ça."
Loïc commence alors un stage de fouilles archéologiques en Grèce et continue de recevoir des messages menaçants. "Un jour, à la sortie du chantier, alors que je marche avec mes collègues, deux voitures de police débarquent. Les policiers sortent armés et me demandent de confirmer mon identité. Tout à coup, je suis projeté sur le capot d'une des voitures, menotté et embarqué. La police est à la recherche d'un dispositif qui aurait permis de mettre une bombe à l'aéroport d'Athènes. Ils me confirment qu'ils ont reçu un appel avec une voix robotisée indiquant que j'allais poser une bombe à l'aéroport."
"Je me rends compte rapidement que voyager va être compliqué pour ma sécurité et pour celle de mes proches. J'étais en option Antiquité méditerranéenne, et donc j'étais obligé de voyager pour mes études. Je décide alors de changer d'orientation, et me tourne plutôt vers l'époque contemporaine qui me permet de rester en Belgique. Je l'ai fait à contrecœur, étant donné que ma passion était vraiment l'Antiquité méditerranéenne et principalement la Grèce. J'abandonne le dernier élément de ma vie que je pouvais contrôler."
En 2017, Loïc et sa famille font appel à des hackers éthiques pour tenter de stopper le harcèlement qu'il subit depuis plusieurs années. "Nous décidons de contacter des hackers compétents qui pourraient nous protéger, et mettre en place des choses pour pister et trouver qui est à l'origine de tout ça. On essaye de contacter Anonymous, ces hackers éthiques qui s'occupent parfois de dossiers judiciaires. On est reçu par un représentant en Belgique qui comprend la situation, mais ne préfère pas agir, car c'est un milieu relativement restreint et il a peur des répercussions."
"Malgré tout, je trouve un hacker en Belgique via différents contacts. Il a les compétences et décide de prendre le dossier et d'agir. Il parvient à identifier une adresse IP du côté de Nantes. Progressivement s'ensuivent différentes attaques du hacker éthique contre la personne qui m'attaque. Notre conseiller parvient finalement à mettre hors d'usage l'ordinateur du hacker. Et à partir de ce moment, les menaces et attaques se sont réduites pour, un beau jour, s'arrêter."
En 2022, Loïc est convoqué au tribunal. Une quinzaine de chefs d'accusation sont dirigés contre lui. C'est à l'occasion de ce procès que Loïc se met à écrire, et sort finalement un livre sur son histoire. Après avoir lu l'ouvrage, un homme affirme détenir des affirmations sur le potentiel hacker de Loïc. "Après le procès, une personne dont la profession est hacker éthique au sein de grandes sociétés m'a informé qu'il avait été contacté en 2012 par un groupe de hackers qui demandaient sa participation pour traduire un jeu. Il s'agissait d'une arène dans laquelle différents acteurs paient leurs droits d'entrée pour s'attaquer à une cible et développent ainsi leurs compétences d'hacking en essayant chaque fois des procédés de plus en plus compliqués. La cible n'est pas choisie au hasard, puisqu'il existe des commanditaires qui payent un droit d'entrée pour placer la personne au centre de l'arène. La cible, c'était moi."
Merci à Loïc Noël.
Quelques nouvelles
Loïc dirige aujourd'hui le Centre Liégeois de Médecine Préventive dont il valorise la protection numérique. Son rapport au numérique est apaisé malgré son expérience. Il reste persuadé qu'une meilleure formation, notamment à l'école, est nécessaire quant au domaine numérique.